Viande de kangourou au frigo
Coucher de soleil dans l'Outback
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Le lendemain, nous allons à Broken Hill chercher Zoe, une anglaise de Jersey venue en vacances un mois. Le train arrive comme au bon vieux temps en ce terminus, puis nous allons voir un site de sculptures modernes en honneur de ces terres sur une colline, le temps pour elle de se faire briefer également. Nous visitons l'aérodrome du Royal Flying Doctor Service qui dessert les endroits isolés de cette rude contrée, et faisons le plein de provisions avant d'attaquer la longue route, Tone privilégiant évidemment la bière dans le thermos avant tout. Et c'est parti - nous ne savons pas trop à quoi nous attendre même si nous avons vu les photos, la brochure et nous représentons un peu les différentes choses qui nous intéressent. Je sens les 4 autres un peu sceptiques au sujet de Tone, pour diverses raisons, alors que je suis content de le voir si nature, et forçant un peu chacun à se décoincer et à laisser derrière soi ses habitudes, sa fierté, ses rigidités et idées toutes faites. Il aime nous pousser au-delà de ce que nous voulons, ce qui est bien ce dont j'ai besoin avec un guide. En fait, chacun se prépare au pire, et certaines se disent qu'elles n'y sont pas trop favorables peut-être, ou que ça a l'air un peu militaire même. Cela dit, la tension éclatera juste le deuxième soir pour des bricoles entre certaines personnes et lui, avant que chacun soit conquis par la justesse de la façon d'être de Tone dans ce pays. Déjà je suis complètement ouvert et neutre à ce qui va arriver, poussant un peu pour pimenter le voyage de musique, petites folies et esprit festif, mais me laissant guider en large partie par ce qui va arriver. Au premier arrêt, la chaleur nous envahi déjà, et nous apprécions l'entre gens de Tone qui nous arrange l'ouverture de la piscine locale, dans un bled que traverse la grande route. Je gagne la partie de billard contre lui alors qu'il avait démarré sur les chapeaux de roue, et nous apprécions tous les deux cette petite compétition inoffensive qui nous accompagnera : "je ne suis pas un blanc-bec et suis bien prêt à jouer le jeu de tes délires", pour ma part, et sans doute "tiens tiens, en voila un qui est prêt à se marrer mais jusqu'où ira-t-il et en est-il bien capable?" pour la sienne. Petites communications subtiles typiques de groupes réduits alors que nous savons combien nous allons devoir nous supporter et s'apprécier! Le soir, nous arrivons chez le redoutable chasseur de kangourous (50 par nuit). Redoutable surtout car Tone nous a prévenu à quel point il pouvait être cru avec les filles. Elles sont déjà assez appréhensives en arrivant, ce qui fait un peu beaucoup avec leur réticences face à la rudesse apparente de Tone. Aventure et pas vacances, certes, mais elles ne savent pas trop sur quel pied danser. Zoe la végétarienne ne s'attarde pas sur le spectacle du grand semi-remorque réfrigéré rempli de la chasse des derniers jours, et je suis le seul à rentrer dans l'antre tapissée d'images érotiques de ce drôle de bonhomme. Le pays est dur cela dit, et le gars est finalement un bon bougre que Tone remet rapidement et amicalement sur le droit chemin à propos d'un incident récent au cours duquel une touriste s'était plainte de harcèlement pendant une chasse nocturne où il avait un peu trop bu. Du coup, nous n'avons pas le droit à la virée nocturne, mais il nous rejoint tout de même à notre camp et nous amène de la viande de kangourou fraîche, que tout le monde y compris Zoe goûte et apprécie. L'entente grimpe entre Nath, Nico et moi, les 3 francophones hilares des expressions canadiennes, et contents de pouvoir finir la journée avec quelques commentaires acérés sur ce qui nous a marqué. Pour autant, nous évitons de trop utiliser le français par respect pour les autres (j'en avais vraiment assez d'entendre parler suisse allemand lors du dernier voyage). Tout naturellement, Sarah et moi partons pour une autre balade nocturne après le dîner, les autres s'étiolant en fin de soirée, à moitié endormis, finissant cigarette ou café, alors que nous n'avons pas sommeil du tout. Il faut dire que lors des longues conduites d'une heure et demie ou deux au milieu de nulle part, je pique deux ou trois fois du nez à défaut d'avoir autre chose à faire. Nous nous posons près du chemin, et je récolte toutes les boules piquantes des plantes locales, inaugurant une longue série d'échardes et d'égratignures ou piqûres, résigné et même réjoui d'être dans cet environnement non urbain qui a justement cette dureté. Lorsque nous revenons, nous sursautons quelque peu en découvrant Tone accroupi près d'un arbre - il s'était inquièté de notre départ , mais je lui rappelle combien je suis quand même suffisamment débrouillard pour retrouver mon chemin - tout le monde continue de se découvrir alors que le voyage ne fait que démarrer.
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