Explications sur la terre aborigène Peintures aborigènes ancestrales
Balade à cheval
Chasseurs de kangourou et proie
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Le réveil des uns et des autres est assez amusant en ce nouveau jour, officiellement day 4 : certains avaient très mal dormi les premières nuits et ont rattrapé, d'autres ont été gênés par une sale odeur de kangourou mort, selon la stratégie de chacun pour son swag (sens du vent, emplacement, estimation de présence de fourmis ou moustiques!). Les corbeaux nous empêchent tous de nous rendormir de toute façon, alors je redémarre le feu pour le petit déjeuner. Le plus âgé des 5 frères vivant dans cette communauté nous emmène à la découverte de la végétation des environs afin de nous expliquer comment les aborigènes vivaient de ces terres, et en quelle mesure ils en faisaient partie et la respectaient. Chaque détail rappelle à quel point ils avaient réussi à trouver un équilibre pendant des milliers d'années, et rend encore plus évident les ravages causés par l'arrivée des blancs, de leurs maladies, attitudes, préjugés et animaux domestiques. Sans qu'il ait besoin de le dire, nous saisissons quelque peu l'ampleur du séisme qu'ont pu connaître son peuple et ces lieux. Heureusement, il fait partie de la première génération d'aborigènes à avoir reçu une éducation en anglais lui permettant à présent de négocier dans de meilleures conditions le retour des siens à une vie plus proche de ce qu'elle a pu être, et plus appropriée que la pure culture occidentale. Il ne s'attarde pas trop sur les atrocités commises à l'égard de son peuple, en particulier les générations d'enfants enlevés à leur famille, et préfère d'illustrer en quoi sa communauté témoigne d'une réconciliation fructueuse. Il est vrai que ce que lui et ses frères ont fait en 5 ans montre le potentiel de communauté auto-suffisante et du tourisme aborigène compréhensif et équilibré. C'est ce que nous découvrons tout au long de la journée, alors que son cadet enchaîne en nous emmenant à un site de peintures murales. Il parle peu et lentement, coupant des phrases de longs silences, ce qui est étrange au début, avant que ça n'impose une contemplation et une immersion dans ces paysages caressés par un vent doux. Nous nous imprégnons de tout, nos sens en éveil. Nous nous laissons à chacun de l'espace et du silence - Nath pleure calmement. Pour autant, la journée continue, nous attaquons nos morceaux de bois coupés à la hache après le déjeuner (et une sieste préventive rapide), en essayant d'imaginer que ça va finir par ressembler à un boomerang. Le bois est très beau, mais dur comme tout, et la hache n'y fait pas grand chose. Les filles et moi peinons, alors qu'un autre frère est capable de travailler 10 fois plus vite. Petit à petit, il nous guide et accompagne l'affinage à la hache, puis à la lime, au couteau et au sandpaper. Ca prend plus de deux heures épuisantes au cours desquelles chacun est tenté de laisser le travail où il en est car c'est déjà pas trop mal, mais je pousse jusqu'au bout sur les conseils et encouragements du bonhomme. Il est alors temps d'aller découvrir les environs à cheval! Les bêtes sont belles comme tout, et je suis très content de voir que ma monture a du caractère, réagit assez bien à mes instructions, et ne se contente pas de suivre la troupe. A de nombreuses reprises, je le laisse choisir son propre chemin, j'écarte les branches, je rattrape Beck au trot, et réussit aussi à prendre des photos en laissant la bride sur le cou. Le vieillard qui nous guide est habillé en cow-boy et est très posé - il nous raconte une légende aborigène près d'un site sacré et fait régner la confiance. Tone ferme la marche, offrant à Nath et Sarah une première balade à cheval exceptionnelle, car longue et peu facile, mais si appréciable. La vue sur les collines environnantes nous comble, le relief ajoutant au piment de la promenade quand les chevaux accélèrent pour descendre et se cambrent pour remonter. Au retour, je cherche à freiner mon cheval pour trotter et galoper sur des espaces plus ouverts et moins rocheux, mais il a hâte de rentrer et nous luttons quelque peu, passant d'un mini rodéo à un bon petit galop, enfin. J'arrive à temps pour partir assister à la chasse au kangourou, alors que les autres préfèrent rester au camp. Un des frères a le Renmington 22mm, et l'autre conduit. Il s'entraîne sur un arbre, ce qui fait siffler mon oreille tant l'explosion est forte. Peu après, un groupe de kangourous fait les frais d'une balle - le jeune mâle est touché en pleine tête. Les intestins sont laissés sur place et l'animal placé sur le pare-kangourou de la jeep (ironie), puis nous repartons sous les yeux d'un vieux mâle peu peureux, mais pas assez bon au goût des chasseurs. De retour au camp, ils dépècent la bête et me donnent une cuisse pour notre groupe. Les muscles sont encore parcourus de quelques secousses. J'assiste à tout ça avec détachement, mais mon estomac est noué tout de même. Après le dîner, nous retrouvons les frères autour d'un grand feu, et le plus vieux d'entre eux nous raconte des légendes du pays, dont une dans sa langue maternelle. Son frère enchaîne avec des chansons en anglais et avec une guitare - on se croirait dans l'ouest américain. Drôle de mélange de culture, l'anglo-saxonne s'immisce partout. Il pleut un peu mais cela n'empêche rien, et le pain cuit dans les braises est un régal que nous dégustons avec une confiture faite d'un fruit local délicieux. Les chiens jouent près de nous et sont si bien à leur place dans cet environnement. Le charme de ce que ces gens ont partagé avec nous dans la journée et de ce que nous avons pu voir, vivre, faire et ressentir opérera encore plusieurs jours. La nuit calme et la pluie brumisée à travers la moustiquaire d'une tente feront le reste pour un bon repos. Le lendemain matin est très paisible, et après un petit tour dans la piscine, nous quittons nos gentils hôtes regroupés dans la maison centrale. Le voyage est à présent vraiment entamé, et nous savons qu'il reste encore tant de choses en 6 jours. Le groupe s'est trouvé, pour moi l'équilibre est idéal tant chaque personne colle avec un état d'esprit différent en moi selon les moments de la journée.
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