Dauphins devant notre bateau Dolphins in front of our dive boat
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L'ancre nous réveille en plein milieu de la nuit, puis je me lève à 6 heures du matin en même temps que l'équipage. Le petit déjeuner est bien copieux, ce qui est nécessaire vues les 4-5 plongées qui nous attendent dans la journée. Je me retrouve finalement avec Jim comme buddy car il a plus d'expérience que Damien et peut donc aller aussi loin que moi. Malgré le fait qu'il a effectué plus de deux cent plongées alors que je n'en suis qu'à ma soixantième, nous sommes déconcertés de constater qu'il en est à 50 bars sur 200 de sa réserve d'air, alors que je n'en suis qu'à 130. La première plongée est donc écourtée car il ne faut pas que l'un des deux plongeurs descende en-dessous de ce niveau. Il va donc me falloir aviser, car je ne compte guère faire d'aussi courtes plongées, même si je n'ai sûrement pas raté grand chose lors de cette première incursion dans des récifs moins impressionnants et riches que ceux que j'ai explorés en Indonésie. Après la plongée, nous apprécions les fruits frais et nous plongeons dans les livres sur la faune marine. Je me rends compte que je suis bien plus renseigné et passionné que la plupart des autres, qui n'en sont souvent qu'à leurs premières plongées et ne connaissent pas trop les poissons de la région asie-pacifique. Sans le vouloir, je deviens le point central des questions après la plongée. C'est en tout cas évident à la suite de la seconde plongée, d'autant que j'ai repéré une pieuvre, un poisson pierre si peu visible que Jim a mis 3 minutes à le découvrir, et ce seulement après que je l'aie pris par les épaules pour lui fournir une vue plus facile, et d'autres espèces que les autres ignoraient, en particulier ce qui a fait ma réputation : les nudibranches, ces petites limaces de mer si colorées et variées. Il faut dire que la plupart des plongeurs débutent avec un intérêt se limitant aux poissons et grosses espèces, comme les tortues ou pieuvres, avant de s'intéresser parfois à l'ensemble de la vie marine, petite, cachée, rare, intrigante. Pour ma part, la photographie sous-marine, ma curiosité et ma soif de découverte ont accéléré cette tendance, et je suis ravi de voir que certains s'empressent d'apprendre et de découvrir, en particulier Anke, la botaniste allemande, piquée au vif par le nombre de repérages que je partage avec les autres sous l'eau alors qu'ils ne voient rien de spécial. Curieusement, les moniteurs de plongée nous laissent plonger librement sans nous guider ou nous aider. Autre spécialité exclusive à mon actif : les symbioses, comme la crevette aveugle creusant un trou gardé par un petit poisson, ou les minuscules habitants des anémones et gorgones. C'est là que j'apprécie combien l'Indonésie a été passionnante, et combien je suis insatiable de connaissances animales, ce qui fait que je lis beaucoup. Nous constatons que j'ai plutôt un oeil pour les contrastes, repérant des animaux minuscules, alors qu'Anke repère le mouvement. La complémentarité et la complicité s'installent de toute évidence, tandis que Jim continue de sucer son air au même rythme, malgré lui. La deuxième plongée a été annulée car le skipper n'a pas trouve le site malgré la mer d'huile - nous bénéficions d'excellentes conditions marines grâce au fait que la saison des pluies a un mois de retard. Nous n'avons même pas le temps de laisser la déception s'installer quand quelqu'un signale que des dauphins approchent. En effet, ils arrivent de tous lieux, et les plus forts d'entre eux se dirigent vers la proue, nageant avec une habileté exceptionnelle devant notre embarcation. Après la précipitation due au fait que nous ne savons pas combien de temps durera la magie, nous prenons le temps d'apprécier leur compagnie. Ils sont à quelques mètres sous nous, nous les voyons si bien et partageons leur humeur ludique. La quinzaine d'individus suffisamment robustes se réduit au cours des dix minutes suivantes, mais ça a duré bien plus que nous ne l'espérions. Nous posons l'ancre en fin d'après-midi, et les seuls amateurs d'un snorkeling sont Damien, Anke et moi. Bien nous en prend, car a peine lancés à l'assaut du récif, je sors la tête de l'eau et crie "requin" avant de me lancer à sa poursuite, suivi de près d'Anke. Un requin de récif a pointe blanche a démarré son exploration nocturne un peu tôt et est à peine à quelques mètres au-dessus du corail. Il nous distance rapidement, mais j'ai le temps de prendre quelques photos et de bien le voir. A bord du bateau, les autres oscillent entre enthousiasme et dépit - je fais attention de ne pas les irriter avec le nombre de choses que je repère lors des plongées, en étant le premier surpris, et me disant que ça ne peut pas durer. Le safari sous-marin continue jusque dans la pénombre, et il en est de même pour les poissons prédateurs : nous apercevons des maquereaux sauter hors de l'eau à la poursuite de bancs de petits poissons argentes, spectacle surprenant et scintillant de lumière. Malheureusement pour lui, Damien est malade et doit se passer de la plongée nocturne - ça me rappelle Nico. Je me retrouve avec Jim et Anke, et nous sommes honorés par la découverte d'une tortue dans son refuge. Notre présence la dérange, et elle nous approche à deux reprises pour sortir de son refuge, avant de glisser sous ma main, puis de celle des deux autres, et de sortir au large du récif. Parmi tant d'espèces intrigantes, le plancton phosphorescent que je parviens à faire remarquer aux autres, le scintillement orange des yeux de crevettes, et la lumière diffuse de nos torches, nous déambulons en apesanteur dans cette eau chaude qui nous englobe. Une fois à la surface, Anke et moi sommes de loin les derniers à se faire remorquer par le zodiac jusqu'au bateau, drôle d'impression de ski nautique sous-marin. La nuit se finit sous la voûte céleste, Anke et moi repérant les constellations de la partie nord du ciel, notamment à l'aide d'un livre : Orion, Gémeaux, Taureau, Cancer, Lion et Pléiades sont nos compagnons de cette initiation nocturne.
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