Dunkerque
 

Premier goût du carnaval | Grande Synthe | Carnaval de Dunkerque

Grande Synthe

PE et moi faisons un gros bisou à Grande-Synthe


PE vu à travers mes lunettes
Ma nouvelle amie et moi
 
PE marche devant le géant
Le cortège arrive

 
Jet de harengs de la Maison Communale
Le rythme fou du Rigodon
   
Hymne à Jean Bart à la fin du Rigodon

Ayant pris la température de ces festivités, PE et moi nous rendons à notre hôtel situé en proche banlieue de la ville. Nous passons dans le plat pays et un peu de campagne, puis établissons notre base pour attaquer le carnaval. La séance d'habillage et de maquillage ne manque pas de nous permettre de rire un bon coup - nous avons chacun notre style, mais nous ressemblons aussi : deux cruches blondes aux lunettes kitsch, et toutes colorées de rose vif, sur les joues, les lèvres et autour du cou en la présence du boa en plumes. PE a mis la main sur des vieilles robes et jupes, que nous avons enfilées par-dessus nos vêtements pour ne pas avoir froid.

C'est ainsi parés que nous partons pour Grande-Synthe, l'une des agglomérations de la région de Dunkerque. Chaque ville a son jour, son bal, son défilé, et son jet de harengs du haut de la mairie. Nous peinons à trouver la bande et patientons donc devant la maison communale du haut de laquelle se prépare le traditionnel jet de poissons ancré dans l'histoire du carnaval. Une jeune fille taquine me provoque en parlant de ma perruque et joue bientôt avec moi ainsi qu'avec PE. Nous faisons connaissance avec sa grand-mère, tandis que sa mère veille un peu à distance. Nous en apprenons un peu plus sur le déroulement des événements, et la coquine espiègle nous distrait pendant la bonne heure que dure notre attente. Nous sommes amusés de fournir une partie du divertissement de par notre accoutrement car, par une inversion des rôles surprenante, les gens du coin sont rares à être déguisés. Ceux qui le sont se trouvent sans doute dans le cortège avec la bande.

Enfin nous voyons arriver la figure du géant de la ville, puis la foule entourant la bande, d'où dépassent les parapluies colorés et d'où ressortent les couleurs criardes des déguisements variés. L'animation est aussi soudaine que l'attente fut longue : en un rien de temps des confettis sont jetés de la maison communale et sont portés par les souffleries tandis que les premiers harengs enveloppés dans un sac plastique nous tombent d'en haut. Chacun lutte pour mettre la main dessus - tout le monde se bouscule, s'amuse, chante et sautille.

Une fois tous les harengs jetés, la foule se dissipe presque aussi rapidement. PE et moi nous amusons de voir de nombreuses personnes grignotant leur hareng tout en quittant les lieux. Ce fut bref mais intense. Nous nous demandons si le Rigodon va bien avoir lieu malgré le retard, et ne savons pas trop quoi faire. J'insiste pour rester jusqu'à ce que démarre cet événement, qui consiste en une procession en cercle sur une place voisine, au cours de laquelle les gens chantent et se poussent au son de la bande installée au milieu. Nous sommes bien avisés d'avoir patienté, car la foule se reconstitue rapidement et nous voyons arriver la bande et son cortège, auquel nous nous pressons de nous joindre.

Ainsi logés au milieu de mousquetaires, corsaires, travestis, schtroumfs, zoulous et autres créatures costumées, nous ne tardons pas à savourer ce qu'est un Rigodon. Tout le monde forme des lignes en se tenant par les bras, et dès que la musique s'accélère, les lignes se compriment au plus haut point. Nous chantons de plus belle quand notre respiration nous le permet. Dès que nous croyons pouvoir tenir la compression formée par de solides gaillards à l'avant et d'autres bien à l'arrière, le changement de rythme fait que nous sautons tous sur place en entamant un nouvel air, ce qui entraîne des mouvements de foule impressionnants. Nous nous marchons les uns sur les autres, le plus terrible étant quand ça recule car les pieds, tibias et chevilles prennent alors de nombreux coups de talon et de pied. Je me retrouve à plusieurs reprises en suspension, soit car je ne peux pas poser mes pieds, soit pour éviter les talons, soit pour concentrer mes efforts à pousser devant et derrière en allant avec le mouvement. A chaque fois que cela nous semble intenable, la musique brise la folie en entonnant un air de pipeau tout simple mais si caractéristique du carnaval, et qui m'avait déjà totalement subjugué. Alors, progressivement, l'étau se desserre et nous nous regardons incrédules, nous rétablissant d'un peu d'angoisse contrôlée, et euphoriques d'être au cœur d'un tel événement.

C'est peu de chose de dire que le Rigodon a duré trois bons quarts d'heure : cela ne rend rien de toutes les variantes que nous subissons, auxquelles nous contribuons, de nos luttes, des poussées, de ces coudes, des bras en casse-noisettes, d'une main tordue et pressant contre sa poitrine, des chaussures qui manquent de partir, puis de la sueur, de la chaleur, et des voix que nous levons de plus en plus au fur et à mesure que nous comprenons les paroles paillardes qui agitent notre troupe. Mon voisin de ligne a varié à plusieurs reprises tant certaines personnes sont écartées ou se mettent en retrait. Derrière nous, des filles n'ont pas résisté longtemps. Parfois nous sommes tout près des pousseurs qui sont presque assis sur la première rangée pour la maintenir sous pression, plus souvent nous sommes parmi les premières lignes à être acculées de l'arrière. Tout autour de notre cercle, les gens du coin s'amusent de nous voir, mais je ne me rappelle pas tellement les avoir observés.

Soudain, mon voisin saisit ma main, en bon habitué, et se met à genoux. L'hymne rend hommage à Jean Bart, dans un élan presque émouvant de fraternité chantée. A quelques mètres de là, Lola (PE déguisée en blonde), suit le mouvement - je lui fais signe car nous avons été écartés peu de temps avant. Nous apprécions pleinement d'avoir ainsi pu nous joindre à cette tradition. Cette fin du Rigodon est un temps fort qui s'ancre dans notre mémoire.


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