Salisbury
 

Bon temps à Salisbury

Bon temps à Salisbury

Cheval calme dans son étable

 
Jeunes chevaux joueurs
Deux jeunes mâles jouant dans leur pré
   
Juliet s'apprêtant à dévorer notre déjeuner au pub




L'étape suivante de ce week-end bien rempli, et le prétexte de ma visite, est la venue d'un groupe de musique cubaine dans un centre d'art de Salisbury : toute occasion est bonne pour faire la fête en bonne compagnie ! Nous nous y rendons avec sa colocataire. Je découvre une église reconvertie en salle de spectacles, où un cours de salsa se termine, le temps pour nous de goûter au cocktail cubain spécial pour l'occasion. La musique est bien plaisante, mais comme la salle est remplie d'anglais, l'ambiance met du temps à s'installer. Seules quelques femmes avides de mettre en pratique leurs leçons sont aux devants, articulant avec plus ou moins de succès les membres d'une nation assurément peu douée pour le rythme, comme l'observe avec effarement Juliet. Tout de même, à force d'encouragements par le chanteur, la foule se rapproche de la scène et, le tempo des percussions aidant, nous sommes rapidement une bonne vingtaine à danser vaillamment en couple. Juliet découvre mes passes de rock français, qui prennent à chaque fois des tonalités plus latines, notamment quand je m'arrête sidéré par un couple dansant un tango racé, mais trop technique. Il est amusant de voir chaque couple pratiquer des danses si variées, simplement unies par les battements des percussions.

La soirée est bien réussie, et je suis content d'avoir fait le voyage, ne serait-ce que pour m'amuser et partager une expérience nouvelle avec quelqu'un que j'apprécie. La journée entière s'est déroulée en douceur, et selon les grandes lignes que j'avais envisagées. Je me couche dans la chaleur d'une couverture électrique et me réveille fringuant pour attaquer la balade à cheval...

Gonflé à coups de fudge au sirop d'érable et à la banane, je suis d'attaque pour retrouver le cheval de Juliet qui m'avait donné tant de sensations la dernière fois. La campagne semble à peine émerger d'un mélange de brume et de grisaille - on peut voir le froid matinal, et espérer que le soleil pourra sortir. Le site et ses alentours sont toujours aussi accueillants : la petite église bénit les prairies de chevaux, les étables et la vallée au cours d'eau niché en bas de collines lisses parsemées de grands arbres sombres et dénudés. Tandis que mon amie prépare le cheval qu'elle a emprunté à une amie, je regarde jouer deux chevaux dans leur pré. Le son de leurs sabots me parvient comme un souvenir que je n'aurais jamais dû oublier, alors qu'ils se courent après à travers le champ. Il paraît que ma monture a été assez gaillarde récemment, et je ne peux m'empêcher de penser qu'il va encore être malicieux alors qu'il commence à peine à faire assez beau pour qu'elle puisse de nouveau le sortir chaque jour. Il fait des siennes quand je veux le préparer : chatouilleux du ventre, il bouge en sorte de me bloquer contre la barrière pour que je ne puisse pas le nettoyer. Ayant tant perdu l'habitude de monter, je suis de toute façon résigné au fait que c'est lui le maître à bord et qu'il va me falloir du temps pour retrouver des sensations.

Un petit saut sur le muret, et me voilà disposé à monter sur Falstead, rejoint rapidement par Juliet, qui chevauche aussi un mâle. Nous passons le long des rares maisons du coin, des cottages sortant tout droit de livres d'enfants. Mon cheval a le pas lent, s'arrête et tourne la tête comme s'il préférait rentrer à l'écurie, mais je parviens à le mettre en marche. En arrivant dans un grand champ où nous avions fini la dernière promenade, nous sommes enfin en route à une allure normale. Juliet en profite pour m'annoncer que nous allons donc partir pour un trot, et Falstead est tout content de prendre les devants. Je me rappelle de son trot auquel je m'étais bien habitué, et je suis donc en selle et au rythme. Je prends même le temps de me retourner pour voir comment Juliet se débrouille, profitant pleinement de cette séance sportive. Il ralentit en sentant qu'il est à présent seul, mais repart de plus belle quand il se fait rattraper. J'ai appris par la suite qu'il faisait des courses de cross-country, un sport qui se pratique à quatre chevaux, et qui nécessitait de son costaud propriétaire une condition physique robuste.

Autant dire qu'en le laissant prendre ses 3-4 foulées nécessaires au démarrage du grand galop, c'était lui lâcher la bride sans possibilité de la reprendre. Je n'avais pas eu le temps de me rappeler de le contrôler sans cesse, leçon apprise à la dure la fois précédente. Me voilà fonçant le long d'un côté du champ à toute allure, appréciant tout de même cette foulée régulière avec laquelle je réussis à me mettre en phase. Quand je vois venir le bout du champ et les barbelés, je sais que Juliet m'a dit que s'il était incontrôlable, il fallait lui faire faire des cercles plutôt que de risquer de foncer ou de tomber à la bordure du champ. En balançant mon poids et en appliquant une pression sur les rênes, je le fais chavirer vers l'intérieur du champ. L'espace dégagé et sans repères qui s'ouvre devant lui décuple sa liesse, et nous voilà fonçant sans relâche. Nous faisons tout un cercle, et il continue au galop, alors que j'ai eu le temps de réfléchir : comme je ne peux pas faire grand chose et que je ne tiens pas à le blesser à la bouche, il ne me reste qu'à attendre qu'il fatigue et à veiller à sa trajectoire. Au pire, me dis-je, je peux sauter, mais cela serait risqué pour nous deux et il n'y a guère de raison à présent, d'autant que l'exercice de maintien, bien que périlleux, n'est pas douloureux.

Juliet est parvenue en haut du champ à présent, et observe les dégâts. Elle me dira plus tard avoir admiré l'allure de son cheval pour la première fois, étant donné qu'elle le monte presque toujours, ou alors le voit foncer au loin avec moi sur son dos. Elle parvient à tenir sa monture, et ne s'inquiète qu'à peine quand nous arrivons droit sur eux. Je préfère virer à droite à présent, pour ne pas contrarier une trajectoire penchant quelque peu vers ce côté, afin de ne pas risquer la collision, un virage trop brusque, ou de foncer droit dans les barbelés. Nous voici à présent à quelques mètres d'entamer la longue descente du champ, ce qu'il n'est pas question de faire étant donnée la distance et le risque dû à la vitesse. Je force une manœuvre pour continuer à tourner. Je ne sais combien de cercles je fais ainsi, nos compteurs divergent tant l'épopée est amusante et longue, mais je me rappelle d'un lièvre détalant devant notre chevauchée débridée, sans que Falstead ne sursaute. Je me vois encore tenter de pencher en arrière, de raccourcir les rênes, et arrivant tout droit sur Juliet pour l'encourager à s'arrêter près de l'autre cheval, parvenant ainsi à le ralentir et le maîtriser.

Alors qu'il halète mais semble avoir oublié toute l'aventure dont il a été l'initiateur, Juliet n'en peut plus de rire de ce nouvel épisode hippique à mon actif, et de la mine débonnaire de son protégé. Nous revivons le moment vu par l'un et l'autre, et elle me félicite de mon sang-froid et de ma tenue alors que je cherche à apprendre ce que j'aurais pu faire d'autre. La dernière fois qu'elles s'est autant divertie à cheval, c'était tout simplement avec moi en septembre ! J'avais également fait la perf de le laisser s'emballer dès le début. Après quelques bons rires, nous reprenons une balade plus calme sur les hauteurs de collines que le soleil commence à caresser davantage. Les champs et forêts sont un théâtre plaisant à cette promenade propice à une discussion amicale. Quand nous passons sur des routes, les automobilistes ralentissent dans le calme courtois d'un dimanche matin à la campagne. Seule la présence d'un gros camion nécessite un demi-tour rapide au trot afin d'éviter tout risque de panique des chevaux dans une descente glissante. Ce sera mon seul moment de tension, pour un exercice à réaliser à la hâte, bien que moins dangereux que celui qui m'avait pris de court dès le début. Mais déjà les chevaux pressent le pas pour rentrer, et nous voyons le petit vallon de l'écurie.

En tout cas, j'aurais mérité le bon déjeuner prévu dans un pub que nous avons cette fois-ci réservé tant il est prisé, malgré son éloignement. Nous prenons juste le temps de faire un détour pour visiter une petite église du XIIe siècle non loin de là, afin d'arriver à la bonne heure au Horseshoe Inn. Le temps est splendide pour la saison, mais l'ambiance à l'intérieur en est pour autant appréciable. Les plafonds bas et toute la décoration accumulée au fil des propriétaires font honneur à tous les habitués du lieu. Nous hésitons peu pour nos choix du jour, et nous régalons tout particulièrement de la multitude de petits plats de légumes, cédant également à un dessert copieux chacun. Lors du retour vers Salisbury, le sommeil me gagne déjà, ne serait-ce que pour assimiler visite, fête, balade sportive et repas... Le retour en train arrive à point nommé, et sans déchirement tant Juliet et moi savons déjà que je reviendrai avant son départ en juillet, ne serait-ce que pour voir ce que son cheval me réservera cette fois-là !


Intégrale de : United Kingdom
Bath et son abbaye | Balade dans Bath | Bon temps à Salisbury

© - Extrajoce - 2000 - © Tous droits réservés - Reproduction interdite